Canicule #1

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J’ouvre un œil, puis l’autre. Mes paupières collent. Il fait noir. La nuit est tombée. J’ai dû m’endormir dans le canapé. Je suis trempé dans mon costard cravate. Ce mois de mai caniculaire est un véritable calvaire. Je ne suis pas le seul à souffrir de la chaleur : les plantes de mon appartement ne survivront pas à cette sécheresse malgré mes attentions.

J’ouvre le frigo à la recherche d’eau fraîche mais en vain. Je me rabats sur une bière. Les premières gorgées sont un pur plaisir. J’ai envie d’une cigarette. Je sors sur la terrasse pour en griller une. Un chat noir descend du toit et vient profiter de la relative fraîcheur du carrelage à côté de moi. J’écoute les rumeurs de la ville entrecoupées par le grésillement de ma clope. Je me sens bien. On sent que la ville vit au ralenti sous l’effet de la chaleur.

J’imagine de jeunes gens sirotant des bières ou des cocktails en terrasse. Les jeunes filles en robe légère dévoilent des jambes d’une blancheur printanière. Les garçons obnubilés par ces robes et ces jambes tentent de ne pas se liquéfier sous leurs chemises trop épaisses. La forte tête du groupe s’est lancée dans une série d’imitations qui fait rire l’assemblée. Cela empêche les quelques intellos du groupe de poursuivre leur discussion sur le revenu universel. Ils reprendront peut-être plus tard. Un peu plus loin des étudiants étrangers chantonnent des standards cubains autour d’un ukulélé. Le serveur les observe tous d’un air bienveillant. Tous ces gens finiront par échanger quelques mots, voire quelques verres. Certains d’entre eux rentreront ensemble et feront l’amour en sueur. Ils laisseront les fenêtres ouvertes inspirant ceux restés seuls qui se masturberont avec rancœur mais plaisir.

Un son léger m’interpelle. Il semble venir du bois en face de mon immeuble. Je distingue mal ce que c’est. Cela ressemble à des percussions. Il y a sans doute aussi des chants. Personne ne semble y prêter attention. Dans le building d’à côté, quelques étages plus bas, quatre hommes corpulents, portant moustache et marcel jouent aux cartes sur leur terrasse. Sans doute à la belote, peut-être au whist. Le son s’intensifie mais ils continuent de jouer, imperturbables. Je ne crois pas que j’arriverai à me rendormir tout de suite. Cette musique m’intrigue. J’attrape une bière dans le frigo et sors de chez moi.

 

 

Photo : © Willy GILLARD


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